Objet # : SCP-XXXX-FR
Niveau de menace : Orange ●
Classe : Euclide
Procédures de Confinement Spéciales : SCP-XXX-FR devra être intégré au sein de l'équipe d'une entreprise créée spécifiquement pour son confinement et pratiquant une activité excluant tout sujet sensible pouvant être exploité par l'objet.
L'équipe de l'entreprise devra être composée d'éléments de la Fondation volontaires soumis à l'absorption quotidienne d'amnésiques de classe C B afin de limiter les risques d'intégration de SCP-XXX-FR dans l'organisation hiérarchique même de la Fondation. Cette équipe pourra éventuellement être complétée par des membres du personnel de classe D dans la cadre de tests, sur autorisation directe du docteur Leon, responsable de recherche sur SCP-XXX-FR.
SCP-XXX-FR ne devra en aucun cas être mis en présence de la personne dont il a pris l'apparence, sauf pour expérimentation (voir addentum XXX-FR-2).
Description : SCP-XXX-FR est un humanoïde polymorphe qui prend chaque jour l'apparence d'un membre du personnel de l'organisation, société, association ou tout autre groupe de personnes organisé et hiérarchisé duquel il se trouve proche géographiquement. Il est alors totalement impossible de distinguer physiquement SCP-XXX-FR de son modèle. La transformation s'effectue tous les matins à six heures et cinquante-six minutes (06 h 56) précise, et s'accompagne d'une disparition soudaine et complète de SCP-XXX-FR de son espace de confinement.
La réapparition de SCP-XXX-FR n'a jamais été constatée d'une quelconque façon que ce soit, les caméras disposées dans le secteur supposé d'apparition n'ayant filmé l'objet qu'après celle-ci. les chercheurs la supposent cependant immédiate après sa disparition.
Une fois réapparu sous l'apparence d'un membre de l'équipe, SCP-XXX-FR adoptera le comportement et les habitudes de la personne imitée; il suivra donc également la routine professionnelle quotidienne de cette personne.
SCP-XXX-FR est par contre incapable de pratiquer ou d'aborder toute activité extra-professionnelle, ce qui constitue le moyen le plus sûr de l'identifier à l'heure actuelle. Si l'exécution d'une tâche d'ordre non-professionnel est demandée à SCP-XXX-FR, ou si un sujet de conversation non-professionnel est abordé avec lui, celui-ci fera l'objet d'un "blocage" le rendant incapable d'effectuer l'action ou de parler du sujet. Pendant un blocage, l'objet reste immobile, ne communique plus et ne répond plus aux stimulations extérieures. Il n'a pas conscience de ces arrêts, n'en garde aucun souvenir et retrouve un comportement tout à fait normal une fois le blocage terminé.
SCP-XXX-FR assouvit les mêmes besoins naturels qu'un humain. Cependant, il n'a pas encore été déterminé s'il s'agit d'un réel besoin physiologique, ou si c'est un moyen de limiter les risques d'identification.
Note ultérieure du 12/02/20██ (Dr P█████): Il semblerait que SCP-XXX-FR soit doté d'une certaine capacité d'adaptation lui permettant de combler ses lacunes. En effet, nous avons pu constater que celui-ci est désormais capable de fournir une réponse confuse, voire même de tenter de changer de sujet, lorsqu'on l'interroge sur des sujets non-professionnels.
La capacité de SCP-XXX-FR à adopter l'apparence d'un membre du personnel est corrélée à celle d'influencer celui-ci, vraisemblablement pour éviter d'être immédiatement démasqué.
Après enquête, il s'est avéré que les personnes copiées étaient tombées malades, avaient eu subitement fortement envie de réaliser des activités non-professionnelles, ou n'avaient tout simplement ressenti aucune forme de volonté ou de besoin de se rendre au travail.
Ces troubles ont été accompagnés d'autres problèmes semblant avoir un lien avec le maintien de la "couverture" de SCP-XXX-FR. Cela comprenait l'absence de volonté de décrocher le téléphone en cas d'appel (allant parfois jusqu'à débrancher ledit téléphone), de ne pas répondre aux e-mails, messages, et autres sollicitations extérieures.
Les capacités de SCP-XXX-FR représentent un danger potentiel pour la sécurité et la confidentialité de la Fondation, ou de toute autre structure traitant d'informations cruciales dans laquelle il pourrait s'intégrer, en raison de son accès potentiel à des informations sensibles sous les traits d'un membre du personnel accrédité.
Cependant, SCP-XXX-FR n'a pour l'instant fait usage desdites informations que pour réaliser les tâches incombant à l'individu usurpé. Il ne se montre nullement agressif ou hostile, et il semble même capable d'entretenir des relations de travail cordiales avec ses "collègues". SCP-XXX-FR n'est donc pas considéré comme suffisamment dangereux pour être classifié Rouge.
Note ultérieure du 18/004/20██ (Dr Leon):Conformément aux informations contenues dans le document du GRU en notre possession (voir addendum XXX-FR-03), nous avons pu identifier des signes de "résidus mémoriels" de plus en plus nombreux provenant des "usurpations" précédentes de SCP-XXX-FR. Ceux-ci pourraient être à l'origine de l'incident XXX-01 (voir addendum XXX-FR-1), notamment à cause d'amnésiques trop peu puissants. Nous suggérons donc un renforcement du traitement amnésique et éventuellement des modifications plus régulières dans le cadre de travail de SCP-XXX-FR pour limiter les risques de rupture de confinement.
Historique : SCP-XXX-FR a été découvert le 23 novembre 19██ à l'usine ██████, à ██████ (région de Kaliningrad, URSS). Son identité a été révélée suite à la constatation de la présence au travail de l'ouvrier ██████ ██████ par le contremaître ██████ ██████, alors que celui-ci était censé être en arrêt maladie. Après vérification, l'ouvrier en question avait effectivement passé la journée en convalescence chez lui, SCP-XXX-FR fut donc pris en charge peu après par la division P du GRU.
Suite à l'éclatement de l'Union Soviétique et à la restructuration de l'unité du GRU chargée du confinement de SCP-XXX-FR en raison de coupes budgétaires drastiques,SCP-XXX-FR échappa au contrôle de cette dernière dans des circonstances pour l'instant inconnues, et fut récupéré par la fondation le ██/██/████, avant d'être transmis directement au site-█████.
Incident constaté:
Incident XXX-01 (08/09/20██):La procédure d'identification habituelle de SCP-XXX-FR n'a pas donné de résultat au sein de l'entreprise de confinement. L'objet a finalement été identifié quatre heures (4 h) plus tard comme ayant pris l'apparence de l'agent ██████, dans le site ██████. L'incident peut donc être qualifié de rupture de confinement. L'hypothèse la plus probable est que la quantité d'amnésiques absorbés n'était pas suffisante pour effacer tout lien du personnel travaillant dans l'entreprise de confinement avec la Fondation. Nous suggérons donc un renforcement du traitement.
Expériences menées sur SCP-XXX-FR:
Test 1 (31/07/1992)
Expérience: Mettre SCP-XXX-FR en présence de la personne dont il a pris l'apparence.
Procédure: Le sujet d'expérience D-1232, dont SCP-XXX-FR avait pris l'apparence, a été conduit vers l'espace de confinement dudit sujet. Plus D-1232 approchait de l'espace de confinement et moins celui-ci était coopératif. Dans le couloir menant à l'espace de confinement, à approximativement six (6) mètres de l'espace de confinement, D-1232 a tenté de se saisir de l'arme d'un des agents de sécurité qui l'escortaient afin de mettre fin à ses jours. Il a finalement menacé les agents présents quand ceux-ci ont essayé de le désarmer, et il a dû être abattu pour des raisons de sécurité.
Conclusion: SCP-XXX-FR peut visiblement agir mentalement sur les personnes dont il a pris l'apparence, et fera tout pour dissuader celles-ci d'entrer en contact avec lui.
Test 2 (24/09/1992)
Expérience: Mettre SCP-XXX-FR en présence de la personne dont il a pris l'apparence.
Procédure: Le sujet d'expérience D-2314, dont SCP-XXX-FR avait pris l'apparence, a été conduit vers l'espace de confinement réservé au sujet, mais cette fois-ci entravé pour éviter le renouvellement de l'incident du Test 1. Des effets similaires ont été observés sur D-2314, qui a commencé à se débattre violemment à six (6) mètres de l'espace de confinement. Arrivé devant la porte, D-2314 était atteint d'un comportement proche de la folie furieuse, celui-ci faisant tout ce qui était en son pouvoir pour ne pas s'approcher davantage. Une fois mis en présence de SCP-XXX-FR, D-2314 avait totalement perdu la raison, tandis que SCP-XXX-FR semblait sincèrement surpris d'être mis en présence de son parfait sosie.
D-2314 a été conduit à l'infirmerie pour subir des tests psychiatriques. Il semblait atteint d'un cas particulièrement grave de démence. L'état de D-2314 s'est peu à peu amélioré au fil du temps, mais il est peu probable qu'il retrouve un jour la raison. Il reste à l'étude pour évaluer les troubles psychiatriques provoqués sur la durée.
Conclusion:SCP-XXX-FR se sert visiblement de la folie furieuse comme ultime recours pour éviter à tout prix le contact avec celui dont il a pris l'apparence. Il n'a pas conscience d'être une copie, ou feint de ne pas l'avoir.
Test 3 (non effectué)
Expérience: Observer la réaction de SCP-XXX-FR à l'absence de cadre organisationnel.
Procédure: Placer SCP-XXX-FR dans une zone très éloignée de toute forme de vie humaine organisée, et observer les effets.
Conclusion: Le test a été qualifié d'irréalisable. Afin de l'empêcher d'adopter l'apparence d'un membre de la Fondation, il faudrait tenir SCP-XXX-FR suffisamment éloigné d'eux. Cependant, une telle expérience conduirait certainement à une brèche de confinement. L'expérience a donc été ajournée.
Copie traduite du russe du seul document émis par le GRU concernant SCP-XXX-FR étant parvenu en la possession de la Fondation. Les parties censurées proviennent du document original.
Le 18/11/19██,
Leïtenant1 ██████,
Votre demande concernant l'envoi d'une équipe de ██████ ██ ████████ a bien été prise en considération par le polkovnik2 █████. Néanmoins, en raison de la situation budgétaire actuelle, nous ne pouvons détacher qu'une équipe d'enquête de deux hommes, qui devrait arriver d'ici la fin de la semaine prochaine.
Vos inquiétudes concernant l'évasion de S███3 sont légitimes, mais sa capacité à prendre l'apparence des individus à proximité ne posera pas problème tant que ████████████████████████. De plus, rien ne peut prouver que ce soit bien lui qui soit à l'origine de ██████████████████, nous envisageons d'ailleurs sérieusement la possibilité d'une attaque de ██ █████████, ou d'une autre organisation rivale.
Nous avons aussi fait part de vos observations concernant l'adaptation et la persistance mémorielle de l'objet au professeur ████████. Néanmoins, S███ n'étant plus sous notre contrôle, cela n'est plus d'une grande importance désormais.Attendez de nouvelles instructions,
███████ ██████████
Objet # : SCP-XXXX-FR
Niveau de menace : Bleu ●
Classe : Sûr
Procédures de Confinement Spéciales : SCP-XXX-FR doit être confiné dans une pièce étanche de cinq mètres sur trois mètres sur trois mètres (5 m x 3 m x 3 m), équipée d'une ouverture fermée par une porte blindée renforcée coulissante de dix millimètres (10 mm) d'épaisseur, de dimensions quatre mètres cinquante sur deux mètres sur deux mètres (4 m 50 x 2 m x 2 m). Les murs de la pièce doivent être en béton armé de soixante-quinze centimètres (75 cm) d'épaisseur. L'espace de confinement doit être doté d'une pompe à eau d'un débit potentiel de cinquante litres par heure (50 l/h), qui doit être révisée et entretenue au moins une fois par semaine (1 fois/semaine).
L'espace de confinement doit être et rester strictement fermé tant que la totalité de l'eau qu'il contient n'a pas été évacuée par la pompe.
Note ultérieure du 23/08/2011 (Dr. Solven): Suite aux constatations de nombreux impacts sur les murs liés aux mouvements de SCP-XXX-FR, qui pourraient à terme conduire à une dégradation portant atteinte au confinement et à l'étanchéité de l'espace de confinement, nous suggérons l'installation d'un système d'aimants dans le sol afin d'immobiliser totalement SCP-XXX-FR. Conformément aux suggestions du docteur Villiers, lesdits aimants devront avoir une force d'adhérence de dix mille newtons (10000 newtons).
Description : SCP-XXX-FR est un char d'assaut léger de type Renault R-35, de dimensions 3 mètres quatre-vingt-cinq sur un mètre soixante-dix-huit sur un mètre quatre-vingt-douze (3,85 m x 1,78 m x 1,92 m), pesant dix tonnes (10 t) à vide (mensurations et masse standards pour un véhicule de ce type). Il est doté de l'équipement standard d'un véhicule de ce type (canon de trente-sept millimètres (37 mm), moteur quatre (4) cylindres).
La tourelle, ainsi que la face avant SCP-XXX-FR sont peintes selon les normes du camouflage tricolore perturbateur de 1940 (tâches vert foncé, vert clair et marron disposées aléatoirement) la partie arrière est couverte peinture d'usine marron uniforme.
La tourelle est marquée sur son flanc droit des lettres "225" en grand caractères blancs et d'un cœur rouge à bord blanc, et sur son flanc gauche d'une cocarde de l'armée française (extérieur rouge, intérieur blanc, centre bleu). Le mot "Poitou" est inscrit en caractères blancs sur la face avant du char, sur la trappe du pilote.
SCP-XXX-FR libère vers l'extérieur, par ses divers orifices et interstices, entre quinze et dix-sept litres d'eau par heure (15 à 17 l/h) au cours de périodes de fréquence et de durée aléatoires. Ces périodes sont indépendantes de celles d'activité motrice, même si elles peuvent coïncider.
L'analyse de l'eau dégagée a révélé une composition très proche de celle d'échantillons prélevés dans la Manche, à proximité de la zone de découverte de SCP-XXX-FR, avec des taux importants de chlorure de sodium, ainsi que diverses algues typiques du secteur de découverte.
SCP-XXX-FR ne subit pas les effets de la rouille, que ce soit sur sa partie extérieure ou sur sa partie intérieure, malgré le taux d'humidité extrêmement important de son environnement.
SCP-XXX-FR est capable de se mouvoir de lui-même, sans aucune intervention extérieure (il est littéralement automoteur). L'objet peut rester immobile pendant plusieurs jours d'affilée , ou réaliser des mouvements sporadiques et désordonnés sur une courte période.
Des recherches approfondies ont été menées pour trouver un quelconque système mécanique et/ou électrique pouvant expliquer cette capacité, sans succès. La tourelle peut elle aussi pivoter de façon autonome, et ce sans que la caisse elle-même soit en mouvement. Le canon peut lui aussi pointer toutes les directions permises par son axe, et ce sans que la caisse ou la tourelle ne soient en mouvement.
Bien que l'approvisionnement en essence augmente sensiblement la probabilité que SCP-XXX-FR se mette en mouvement, celui-ci n'est pas nécessaire pour que l’événement se produise. Le moteur de tourelle n'a pas non plus besoin d'un approvisionnement en électricité pour que celle-ci pivote. Le canon n'est pas opérationnel à moins qu'un obus adapté n'y soit chargé manuellement.
Historique : SCP-XXX-FR a été découvert le ██/12/2008 par des promeneurs, dans une bâche d'eau, sur la plage de Sainte-Cécile (Nord-Pas-de-Calais, France). Récupéré par l'association ██████ ██ ██████ pour restauration, le premier dégagement d'eau est constaté le 20/07/2011, alors que la restauration est presque arrivée à son terme. Le véhicule "s'anime" pour la première fois le 21/07/2011.
Suite au signalement de l’événement, SCP-XXX-FR est récupéré par la branche française de la Fondation le 22/07/2011.
La "réapparition" soudaine de SCP-XXX-FR, à plus de deux-cent mètres du rivage, pose elle-même de nombreuses questions, étant donné qu'il était vraisemblablement incapable de se mouvoir avant sa restauration. Il est fortement probable qu'il ait été abandonné lors de la retraite alliée vers Dunkerque.
Interview du 22/07/2008:
Interviewé : ██████ ██████, mécanicien bénévole de l'association ██████ ██ ██████, à l'origine de la découverte de SCP-XXX-FR.
Interviewer : Docteur ██████Avant-propos : Suite à la mise à la récupération de SCP-XXX-FR, un interrogatoire a été mené sur ██████ ██████, témoin oculaire des phénomènes de libération d'eau et de mouvements spontanés, dans le site ███, afin d'obtenir pour d'informations sur ces activités.
Dr. ██████ : Bonjour, monsieur [supprimé]. Détendez-vous, je vous prie.
Témoin oculaire : Me détendre? Je n'sais même pas pourquoi je suis ici!
Dr. ██████ : Nous comprenons votre désarroi, monsieur [supprimé]. Nous souhaitons juste vous poser quelques questions concernant le char que votre association a récupéré fin 2008 sur la plage de Sainte-Catherine.
Témoin oculaire : Le R-35? J'espère que vous allez nous le rendre très vite! Ils sont devenus très rares, surtout en état de marche! On a presque fini de le retaper, il ne nous restait plus qu'à finir la peinture et des broutilles mécaniques.
Dr. ██████ : Évidemment, ne vous inquiétez pas. Nous avons juste quelques questions concernant les événements étranges auxquels vous avez assisté.
Témoin oculaire : Vous êtes flic, c'est ça? Le gamin a absolument voulu appeler les gendarmes après ça. Je lui ai dit que c'était rien du tout, mais il a flippé.
Dr. ██████ : Et de quoi a-t-il eu peur exactement?
Témoin oculaire : Quand on est arrivé au hangar le 20 juillet, il y avait de la flotte partout autour du char, et il avait pas plu la veille. Je lui ai expliqué que c'était sûrement un truc à l'intérieur qui avait retenu l'eau, un genre de poche, vous voyez? Il disait qu'il y en avait trop, que c'était pas normal.
Dr. ██████ : Et comment avez-vous réagi à ce phénomène?
Témoin oculaire : On a regardé un peu à l'intérieur, on a cherché une fuite, quelque chose, mais rien. Et pas de trou dans le toit du hangar non plus. Alors on a laissé coulé, c'est le cas de le dire [éclat de rire].
Dr. ██████ : Et pour le phénomène suivant?
Témoin oculaire : Quand il a bougé tout seul? Ouais, là même [supprimé] a commencé à avoir les jetons. Mais vous voulez mon avis? Un problème de démarreur et de boîte de direction. C'est sensible ces engins là, surtout quand ça a passé 70 ans dans l'eau! Mais bon, [supprimé] a absolument voulu contacter la gendarmerie. Et nous y voilà. Mais laissez-le moi une semaine ou deux en plus et il tournera comme une horloge!
Dr. ██████ : Ce sera tout, merci pour votre coopération. Un agent va vous reconduire à la sortie.
Discours de clôture : Nous allons procéder à l'administration d'amnésiques de classe B sur [supprimé] ainsi que sur tous les membres de l'association. Malgré les déclarations de [supprimé], nous avons désormais la certitude que les événements rapportés ne peuvent être le résultat d'effet climatiques ou mécaniques. L'objet SCP sera donc transféré vers [supprimé] aussi rapidement que possible.
Incidents constatés:
Incident XXX-01 (15/08/2011): Différents impacts de taille réduite ont été constatés sur le mur du fond ainsi que sur la porte de la cellule de confinement de SCP-XXX-FR, résultant de coups portés lors des mouvements d'avant en arrière répétés de SCP-XXX-FR. Un gondolement du blindage sur les zones d'impact a été constaté sur SCP-XXX-FR.
Incident XXX-02(23/08/2011): Un élargissement des impacts et une augmentation du gondolement sur le blindage de SCP-XXX-FR ont poussé le docteur ██████ à réclamer la mise en place d'un système permettant d'immobiliser totalement SCP-XXX-FR, afin d'éviter des problèmes de confinement et des dommages trop importants sur le sujet. Sur suggestion du docteur ██████, un système d'aimants "fixant" SCP-XXX-FR au sol a été retenu.
Expériences menées sur SCP-XXX-FR:
Test 1 (11/08/2011)
Expérience: Observer la réaction de SCP-XXX-FR face à la présence à bord d'un être humain.
Procédure: Le sujet d'expérience D-0967 a reçu pour mission de monter à bord de SCP-XXX-FR par la trappe du chef de char, située sur l'arrière de la tourelle. Une fois à bord, D-0967 a pu constater la présence de cinq à dix centimètres (5 à 10 cm) d'eau sur le sol du véhicule, et l'habitacle présentait un important taux d'humidité. Aucun autre effet notable n'a pu être noté au niveau de SCP-XXX-FR ou de D-0967. Une observation prolongée de SCP-XXX-FR et de D-0967 n'a pas permis de mettre en évidence une quelconque conséquence sur le long terme.
Conclusion: La présence d'un être humain à bord de SCP-XXX-FR ne semble avoir aucun effet notable sur SCP-XXX-FR ou sur celui qui monte à son bord. Malgré une importante humidité constatée, la quantité d'eau constatée ne pouvait correspondre à celles libérées par SCP-XXX-FR.
Test 2 (13/08/2011)
Expérience: Observer la réaction de SCP-XXX-FR face à la présence d'un être humain dans la même pièce que lui.
Procédure: Le sujet d'expérimentation D-1986 a reçu pour mission de se placer entre la face avant de SCP-XXX-FR et la porte de son espace de confinement. D-1986 a attendu une heure vingt-quatre minutes (1h24) dans cette position, et commençait à montrer de sérieux signes d'impatience, quand SCP-XXX-FR s'est mis en mouvement. Celui-ci n'a cependant exécuté que des mouvements répétés vers l'arrière, évitant de percuter D-1986. L'activité de SCP-XXX-FR a cessé après 12 minutes (12 min), et D-1986 a pu être extrait de l'espace de confinement sain et sauf.
Conclusion: SCP-XXX-FR semble être capable d'une certaine perception ce que qui l'entoure, et évite de blesser les êtres humains se trouvant face à lui.
Note agent ██████ ██████: Pour une fois que ça essaye pas de nous tuer!
Test 3 (16/08/2011)
Expérience: Remplir le réservoir de SCP-XXX-FR est observer les effets.
Procédure: Le sujet d'expérimentation D-1239 a reçu pour mission de remplir le réservoir de SCP-XXX-FR avec trois (3) jerrycans d'essence d'une contenance de vingt litres (20l) chacun. D-1239 a effectué la tâche conformément aux instructions données, puis a quitté l'espace de confinement. Le remplissage a été suivi d'une intense période d'activité d'environ une heure (1h) chez SCP-XXX-FR.
Conclusion: Un apport en essence garanti une activité soutenue de SCP-XXX-FR, dont la durée dépend de la quantité introduite. Des tests ultérieurs ont prouvé l'aspect systématique de cet effet.
Observations du docteur ██████
Dès la découverte de SCP-XXX-FR, plusieurs liens avec SCP-125-FR ont été constatés. Le plus évident consiste en la capacité des deux SCP à se déplacer, ainsi que leur armement, de façon autonome. Néanmoins, SCP-XXX-FR n'a pour l'instant montré aucun signe d'agressivité envers qui que se soit, y compris envers des personnes vêtues d'uniformes allemands d'époque ou envers des germanophones.
Un lien peut également être établi entre les capacités de transport temporel et/ou spatial des deux objets SCP. Tandis que SCP-125-FR est visiblement capable de transporter les êtres vivants ou objets placés à l'intérieur vers le passé, SCP-XXX-FR "reçoit" d'importantes quantités d'eau originaires du secteur où il a été retrouvé.
Des recherches effectuées pour tenter de découvrir des similarités dans la conception ou l'historique de ces objets n'ont pour l'instant rien donné, étant donné le peu d'informations disponibles sur leurs historiques respectifs.
« Vous devez trouver en vous la force de surmonter les obstacles qui se trouveront sur votre route. Rien n’est impossible à ceux qui veulent vraiment réussir, parce que la volonté seule est la porte vers une infinité de possibilités. Si vous êtes confrontés à une difficulté, ne vous demandez pas si vous allez la vaincre. Demandez-vous comment ! »
Christophe Vanchard écoutait d’une oreille distraite l’intervenant qui déblatérait depuis maintenant deux bonnes heures des lieux communs sur le succès, la motivation et l’extraordinaire potentiel qui résidait au fond de chacune des personnes qui assistaient à cet assommant séminaire, proposé par la compagnie.
« Si on peut gagner ce que je gagne juste en débitant des âneries de ce genre pendant trois heures, je signe tout de suite », songea-t-il en changeant de position sur sa chaise désespérément inconfortable. À ce stade de la prestation, la plupart des gens avait sérieusement commencé à décrocher, mis à part quelques imbéciles heureux persuadés que ce discours insipide changerait leur vie.
Christophe constata avec amusement que plusieurs personnes à proximité, assises comme lui sur une des innombrables chaises qui faisaient face à l’estrade où se tenait le locuteur, trouvaient soudainement suprêmement intéressants le plafond ou un des murs de la pièce, quand ils ne naviguaient pas ouvertement sur leur smartphone. Le directeur d’il-ne-savait-plus-quel-département commençait même à somnoler, quelques mètres plus loin.
Le jeune cadre poussa un soupir sonore, qui lui attira un regard d’abord surpris, puis complice d’une jolie manager assise sur la rangée devant la sienne. Christophe la gratifia d’un de ses sourires les plus enjôleurs, mais elle se retourna presque aussitôt, le laissant à nouveau sombrer dans l’ennui le plus total, avec pour fond sonore la voix excessivement exaltée de l’intervenant.
C’est à cet instant qu’il remarqua une étrange petite forme qui flottait doucement dans la pièce, au niveau de l’allée centrale, baignée par la lumière d’un rayon de soleil qui filtrait à travers une des larges fenêtres qui perçaient les murs de l’hôtel. Elle lui évoqua d’abord une graine de pissenlit qui voletait joyeusement, avec laquelle elle partageait sa forme caractéristique.
Mais il s’aperçut ensuite que c’était plus grand que ça, et de couleur jaune par-dessus le marché. Et puis, qu’est-ce qu’une graine de pissenlit serait venue faire dans une salle de conférence située au deuxième étage d’un hôtel quatre étoiles situé en plein centre-ville ?
La mystérieuse apparition attira rapidement l’attention d’un nombre croissant de personnes, ravies que quelque chose, peu importe quoi, vienne les distraire de l’assommant speech qui leur était adressé. Des regards, de plus en plus nombreux, suivirent la course paisible du « visiteur ». Le collègue endormi se réveilla même en sursaut, avant de suivre, comme les autres, la « graine » du regard. Bientôt, le flot verbal de l’orateur lui-même se calma, tandis qu’il la regardait d’un air où se mêlaient étonnement et contrariété.
« J’y crois pas, pensa Christophe. Un séminaire tellement ennuyeux qu’il se fait interrompre par un simple machin flottant, on voit ça qu’une fois dans sa vie… »
Quand l’inspecteur Tommsberg entra pour la première fois dans la grande salle de conférence du Royal, véritable palace idéalement placé en plein centre-ville qui transpirait le luxe par chaque centimètre-carré de dorure, sa première pensée fut qu’il n’aurait jamais pensé pouvoir mettre les pieds dans un endroit pareil.
Le train-train quotidien se rappela cependant bien vite à lui lorsque ce pourquoi il se trouvait précisément ici entra dans son champs de vision : une bonne trentaine de cadavres s’offraient au regard des visiteurs, la plupart assis sur des chaises ou couchés entre elles, et un étendu au centre de l’estrade. L’inspecteur fit quelques pas dans l’allée centrale, puis s’arrêta au niveau d’une victime vêtue, comme tant d’autres des macchabées ici présents, d’un costume qui devait bien valoir une année de son salaire de flic, au bas mot. Et pourtant, le mort n’avait pas l’air d’avoir dépassé la trentaine, alors que lui-même voyait la cinquantaine approcher à pas lourds.
« Christophe », indiquait le badge épinglé au niveau du cœur de la victime. « Eh bien, navré pour toi Christophe, tu as peut-être touché trois fois mon salaire à peine sorti de l’école, mais niveau durée de vie, c’est moi qui gagne. »
Et, non content d’être mort jeune, Christophe avait l’air d’avoir connu une agonie particulièrement horrible. Sa bouche grande ouverte s’était figée à jamais, comme criant sa douleur à l’infini, ou plutôt, cherchant une ultime bouffée d’air qu’elle ne trouverait jamais. Ses yeux exorbités trahissaient, même maintenant que le corps commençait à refroidir, une terreur comme seule pouvait en éprouver une personne qui voyait la Mort fondre sur elle.
L’attention de l’inspecteur se dirigea ensuite vers la main droite de la dépouille, crispée autour de son nœud de cravate. Christophe avait visiblement tiré comme un forcené sur celui-ci, au point de laisser d’impressionnantes marques sur l’arrière de son cou, sans pour autant rétablir l’approvisionnement en précieux oxygène. Il acheva son inspection en revenant au visage, afin d’étudier d’un peu plus près le pourtour de la bouche et des narines, qui avait pris une couleur tirant sur le violet, dont le flic était presque sûr qu’elle n’était pas naturelle. Il remarqua même une couleur semblable dans les veines sillonnant les globes oculaires.
« Impressionnant, n’est-ce pas ? » demanda une voix familière derrière lui.
Tommsberg se retourna pour découvrir derrière lui, comme il s’y attendait, le docteur Otten, petit homme grisonnant, au crâne dégarni, qui semblait aussi épuisé que s’il venait de veiller pendant une semaine entière. Mais, plus important, Otten était un des meilleurs légistes avec lesquels l’inspecteur avait eu l’occasion de travailler. Et, contrairement à ceux de la police, il se déplaçait systématiquement et immédiatement sur les lieux des incidents.
« De quoi parlez-vous ? De l’état de ce pauvre type, ou de la quantité assez phénoménale de macchabées dans cette pièce ?
-Les deux, répondit le vieil homme. Il y a longtemps que je n’ai pas eu autant de clients d’un seul coup.
-En tous cas, c’est un skip qui a fait ça, aucun doute.
-En effet. C’est l’hypothèse la plus probable. Ça ne sera pas une sinécure de faire passer ça pour un banal accident.
-Ça, c’est le boulot du département de Désinformation, pas le nôtre.
-En effet, je ne doute pas de leur capacité à nous trouver une histoire tout à fait crédible et convaincante pour expliquer cela, ils débordent d’imagination, c’en est admirable. »
Tout en parlant, le médecin-légiste s’était approché du dénommé Christophe et avait commencé à l’observer minutieusement. Sans mettre fin à sa conversation avec l’inspecteur, il observa le bout des doigts, tâta la gorge, scruta le visage jusqu’à l’intérieur de la bouche.
« Et pour les « témoins indésirables » ? Il y en a beaucoup ? reprit-il.
-Quelques membres du personnel de l’hôtel, une équipe du SAMU et les premiers flics arrivés sur les lieux, qui ne bossent pas pour la Fondation. Quelques amnésiques devraient suffire ; ils n’ont pas assisté à l’évènement lui-même, ils ont juste vu les corps.
-Donc, toutes les personnes qui étaient dans cette pièce au moment de l’incident sont mortes ?
-C’est ça.
-Et personne à l’extérieur n’a été touché ?
-En effet. »
Le médecin réfléchit un moment, puis tira de sa mallette une longue tige en fer et une lampe de poche. Il ouvrit encore un peu plus, si c’était possible, la bouche de la victime avec la première, et l’éclaira avec la seconde.
« Regardez-moi ça, Benoit », lança-t-il à l’intention de l’inspecteur tout en s’écartant pour lui permettre de s’exécuter.
L’intéressé s’approcha, et aperçu bien vite ce qui avait retenu l’attention du légiste : une multitude de petites boules pelucheuses tapissaient l’entrée de l’œsophage, au point de quasiment l’obstruer.
« Notre cause du décès, on dirait, constata-t-il.
-En effet, répondit son collègue en rangeant son matériel. Je vérifierai si tous ces malheureux ont la même chose, mais j’y trouverai sans aucun doute les mêmes.
-Qu’est-ce que c’est selon toi ?
-Peut-être des champignons, ça semble être végétal, en tous cas. Organique, c’est presque sûr. Ça a dû se développer à grande vitesse dans les voies respiratoires des victimes, peut-être même en consommant directement le dioxygène à l’intérieur, d’une façon ou d’une autre, ce qui a dû provoquer cette mort rapide et particulièrement désagréable, si quelque chose d’autre ne l’a pas fait avant, bien sûr.
-Autre chose ?
-Oui, vous avez une mine abominable, Benoît. Quand les prenez-vous, ces fameuses vacances ?
-Vous pouvez parler, docteur. Vous pourriez jouer un mort-vivant dans un Romero sans maquillage.
-Agent Tommsberg, docteur, vous devriez venir voir ça », les interrompit un des agents de la Fondation habillés en flic qui parcouraient la pièce à la recherche d’indices.
Les deux hommes s’exécutèrent, parcourant en quelques enjambées la distance qui les séparait de celui qui les avait interpellés. Celui-ci leur indiqua ce dont il était question d’un hochement de tête. Il s’agissait d’une sorte de groupe de filaments noirs et rabougris, qui évoquaient une graine de pissenlit en décomposition, mais au moins cinq fois plus grande qu’un spécimen normal.
« Masques à gaz », déclara simplement Otten, tout en s’agenouillant près de l’étrange objet.
D’un geste, tous les agents présents sortirent leur masque de leur étui et l'enfilèrent, à l’exception d’Otten lui-même, qui considérait qu’il était impossible de travailler correctement avec ce genre d’appareils sur le visage. Celui-ci tira une fine pince et une pochette hermétique, attrapa l’objet inconnu avec la première pour la glisser dans la seconde. Les masques tombèrent lorsque le sac fut correctement fermé.
« Organique, probablement végétal. Nous avons notre gagnant, statua le légiste. Il faudrait vérifier qu’il n’y en a pas d’autres. Cherchez partout, vérifiez qu’aucun n’est accroché au niveau des murs, dans les rideaux, partout. Et n’y touchez sous aucun prétexte.
-Affirmatif », répondit un des agents.
À l’exception de celui qui avait signalé l’étrange « plante », tous les autres se mirent à parcourir la pièce, yeux rivés au plancher, dans une chasse aux œufs de Pâques particulièrement morbide.
« Messieurs, la thèse de l’accident me paraît de plus en plus fantaisiste, asséna Otten tout en essuyant une goutte de sueur perlant sur son front, seule manifestation du stress intense qu'avait provoqué la manipulation de l'objet.
-C’est ce que je commence à me dire, confirma Tommsberg. Que ça touche comme par hasard quelques-uns des cadres les plus haut placés d’une grande multinationale pétrolière, et seulement eux, ça paraissait déjà un peu gros. Mais si ce… truc vient vraiment d’une plante, quelles sont les chances qu’une unique salle d’un grand hôtel situé en plein centre-ville soit la seule touchée ? On n'a rien signalé de comparable dans le secteur pour l'instant.
-Un attentat ? demanda l’agent resté avec eux.
-Sans doute, répondit le légiste. Et pas par n’importe qui. Le premier venu ne peut pas maîtriser ce genre de chose suffisamment bien pour pouvoir en faire usage dans ces conditions sans risquer que tout lui explose au visage à chaque instant. Et puis, surtout, il serait bien plus simple pour lui d’utiliser une bombe tout à fait classique.
-Donc, probablement un GDI, supposa l’inspecteur. Reste à savoir lequel.
-L’IC ? suggéra l’agent.
-Possible, répondit Otten. Après tout, l’Afrique subsaharienne est un peu leur chez eux, et il me semble que cette compagnie a des installations là-bas. Ils ont pu se retrouver en conflit d’une façon ou d’une autre, et l’IC a réglé la question à sa façon.
-Peut-être, tempéra l’inspecteur. Mais… Je sais pas, ça ne leur ressemble pas. Ils sont du genre à faire dans le spectaculaire, histoire de faire un exemple mémorable. De leur part, j’aurais plutôt vu une explosion, ou une salle tapissée de sang.
-Peut-être Et Maintenant On Est Cool, non ? hasarda l’agent. Ces gars ont autant de causes à défendre que de membres, si ce n’est plus. La lutte contre les magnats du pétrole ou la tyrannie des cadres supérieurs doivent bien en faire partie…
-Et Maintenant On Est Cool agit toujours dans le cadre d’une « œuvre artistique ». Il n’y a rien de vraiment artistique ici, à moins que ça ne se soit pas passé comme prévu. Et encore, il n’y a même pas leur signature.
-SAPHIR ? essaya à nouveau l’agent. Ils sont tellement allumés qu’ils pourraient très bien en être arrivés à considérer les stages de confiance en soi comme des superstitions débiles.
-Écoutez, on prend les choses par le mauvais bout, déclara Tommsberg. Ça pourrait être n’importe quel GDI : la compagnie a des installations au Proche-Orient, alors ça pourrait être le BRAI, ou une secte religieuse quelconque. Pour autant qu’on sache, ça pourrait même être tout à fait autre chose qu’un GDI, peut-être une simple bande de terroristes qui ont mis la main sur un joujou miracle. On va procéder méthodiquement, relever les empruntes, regarder les vidéos de surveillance, tout le train-train habituel. Les botanistes vont analyser cette saloperie et nous dire de quoi il en retourne.
-Peut-être même que l’étude de cette plante va leur permettre d’identifier dans quel genre de climat elle s’est développée. Sans compter qu’ils peuvent très bien trouver une correspondance avec quelque chose de connu, poursuivit Otten.
-Dans tous les cas, même si on découvre qui est à l’origine de ce coup-là, s’il s’agit bien d’un GDI hostile, on ne pourra pas faire grand-chose », modéra l’agent.
Cette dernière remarque calma un peu les ardeurs des deux autres, qui s’étaient, pendant quelques secondes, retrouvés plongés dans un passé où, simples flics, ils pouvaient encore espérer que les criminels soient punis une fois identifiés. Désormais, leur travail permettrait sans doute à peine à la Fondation d’en savoir un peu plus sur tel ou tel objet SCP, y compris qui les possédait dans le meilleur des cas. Et rien d’autre.
Les trois hommes se dispersèrent, alors qu’aucune autre étrange plante n’avait été retrouvée. Tommsberg se dirigea vers une fenêtre du palace, contemplant la rue en dessous, où les journalistes commençaient déjà à s’agglutiner comme des vautours attirés par l’odeur de la charogne. Puis son regard se perdit dans l’immensité du centre-ville qui s’étendait face à lui. Quelque part, les responsables de tout ça se promenaient probablement en toute impunité, sans même qu’on puisse pour l’instant avoir la moindre idée de leur identité. Insurrection du Chaos, BRAI… Il aurait donné cher pour être dans la tête de celui qui avait pu commettre un tel acte à cet instant.
Arkadiy Vasilyev traversa d’un bon pas le hall de l’aéroport. Un coup d’œil à sa montre lui apprit qu’il lui restait encore un peu de temps avant le départ de son vol. De plus, ses bagages avaient déjà été chargés sur le tapis roulant, à l’exception notable d’une petite valise qui ne le quittait pas une seconde. Il décida donc d’aller tuer le temps dans la cafétéria située à proximité.
Une fois assis à une table, un grand gobelet de café brûlant à la main, il laissa son regard se promener sur la foule impatiente qui allait et venait dans l’aéroport. Période de départs en vacances, d’après ce qu’il avait compris. Lui était là pour le travail.
Sa compréhension du français, bien que limitée, l’amena à se concentrer sur une grande télévision, accrochée tout près de l’endroit où il était installé, sur laquelle était apparu un hôtel qu’il connaissait pour s’y être rendu, à peine quelques heures auparavant, dans le cadre de son travail, justement.
« … le décès de plusieurs de ses cadres supérieurs les plus importants représentant une perte terrible pour la compagnie française. Bien que l’enquête suive toujours son cours, les autorités ont d’ores et déjà annoncé que l’hypothèse privilégiée actuellement serait celle d’un attentat chimique mené par un groupe d’écologistes extrémistes. Nous retrouvons tout de suite notre envoyé spécial sur place… »
« Les passagers du vol Moscou-711 sont priés de se présenter à la porte d’embarquement C, merci », annonça une voix féminine dans les haut-parleurs.
Arkadiy termina d’un trait son café, se leva, serrant fermement la valise totalement hermétique, et particulièrement compromettante. Un léger malaise, déjà éprouvé plus tôt, se rappela à lui ; ce qu’il avait fait était le travail d’un terroriste, pas celui d’un soldat.
« Non, se rassura-t-il. Le travail d’un soldat est d’obéir aux ordres, tout simplement. Non seulement ça a permis de tester les capacités de ce nouvel objet, mais en plus, ils nous accorderont peut-être une véritable augmentation des budgets, cette fois. Pour qu’on puisse faire notre vrai travail. »
Il faudrait un moment pour que ceux qui enquêteraient vraiment sur cet incident, Fondation ou CMO, il n’en savait rien, fassent le rapprochement avec le fait que la compagnie française était, jusque-là, le principal concurrent d’une compagnie russe, en grande partie détenue par l’état russe lui-même, pour l’achat crucial de puits de pétrole vénézuéliens. On ne les penserait pas encore capables d’une opération pareille, au beau milieu d’un pays d’Europe de l’Ouest, qui plus est.
Le sous-lieutenant Vasilyev ne put réprimer un petit sourire triste que lui inspirait l’aspect ironique de la situation : c’était la relégation de la division P du GRU au rang d’acteur mineur de la scène paranormale mondiale qui avait rendu possible une opération aussi propre.
Sun Tzu n’avait-t-il pas dit : « Quand vous êtes capable, feignez l’incapacité. Quand vous agissez, feignez l’inactivité. Quand vous êtes proche, feignez l’éloignement. Quand vous êtes loin, feignez la proximité. » ?
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Titre original : Fuite d'encre
Auteur : Agent Koop
Date de publication originale : 19 novembre 2023
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Histoire abrégée de l'alchimie thévèlaine : 2000 ans d’échecs illustres ? Non.
Pentacles et autres ouvertures sur le plan démonique : Le guide illustré ? Non plus.
L'équilibre éthérique pour les nuls : Finissez-en avec les implosions de réalité quand vous incantez ! ? Toujours pas.
Camille abandonna d'un geste impatient les trois ouvrages au sommet de la pile déjà improbablement haute qui s'élevait à côté d'elle. Pourquoi était-ce toujours quand vous cherchiez quelque chose que vous ne le trouviez pas ?
La Bibliothèque des Vagabonds était une inépuisable mine d'informations sur tous les sujets qu'on pouvait imaginer (et aussi sur ceux qu'on ne pouvait imaginer d’ailleurs), mais elle avait une fâcheuse tendance à se montrer capricieuse. Livres, rayonnages et étagères ne cessaient de changer de place comme bon leur semblait et, toute Main qu’elle fut, retrouver un manuscrit précis pouvait relever du véritable casse-tête. Et vraiment pas le genre amusant, par-dessus le marché.
Elle aurait pu redemander son emplacement à un Bibliothécaire, bien entendu, mais elle n’en voyait aucun dans les environs et l’idée de se lancer laborieusement à la recherche de l’un d’entre eux ne l’enchantait pas plus que ça. Elle en serait presque venue à regretter les classifications plan-plan et les documentalistes rasoirs de son ancienne bibliothèque universitaire.
« Heu… Excuse-moi de te déranger, chica… Je cherche Karim Saïdi et je crois que je me suis un peu perdue, là… Tu sais où je peux le trouver ? »
Allons bon, quoi encore ? La jeune thaumaturge lança un regard en coin à l'importune : cheveux noir, teint un peu hâlé, veste en cuir noir, t-shirt à motif, foulard rouge, pantalon troué.
Flingue et couteaux à la ceinture, aussi. Pas bon.
« Kar'Ak ? Ça dépend, tu lui veux quoi ? »
L'inconnue ne prit pas ombrage de son ton tranchant, ce qui était tout à son honneur. Remontant sa manche, elle dévoila plusieurs fines lignes rouges et noires enlacées qui remontaient du poignet à l'épaule en audacieuses arabesques. À bien y regarder elles bougeaient, ces lignes, comme agitées par une légère brise sinuant sur la peau.
« Mon tatouage devient un peu instable dernièrement, j'aurais besoin qu'il m'équilibre ça. »
Plausible.
« Encre active, hein ? Viens avec moi, j'vais te conduire. De toute façon ce foutu bouquin est pas décidé à se laisser consulter aujourd'hui. »
Camille se retrouva ainsi, sur un coup de tête, à escorter son nouveau caneton dans les insondables méandres de la Bibliothèque. « Caneton » parce que l’hispanique, malgré ses allures de tueuse aguerrie et son expression fermée, ne la lâchait pas d’une semelle et scrutait les alentours comme si elle essayait désespérément de graver le chemin qu’elles empruntaient dans sa mémoire.
Bonne chance alors : pour un non-initié, rien ne ressemble plus à une étagère gavée de bouquins qu’une autre étagère gavée de bouquins, pas vrai ? En tout cas, ça n’était clairement pas une habituée des lieux.
Après plusieurs minutes d’un silence pesant (et quand on parle de silence pesant dans la Bibliothèque des Vagabonds, on parle vraiment de silence de trou noir), l’étrangère hasarda :
« En tout cas, merci de m’accompagner, c’est sympa de ta part.
- Hmmm… grommela la Main, occupée à scruter les allées au cas où l’opuscule qu’elle cherchait aurait été en train de s’y dandiner.
- Tu le connais bien, Karim ?
- Je lui achète de l’encre cabalistique, de temps en temps. Ça marche très bien pour les glyphes. Aussi bien que le sang, et c’est moins crade.
- Tu es thaumaturge ? De la Main du Serpent, c’est bien ça ?
- Peut-être. »
Elle se retourna alors subitement pour faire face à sa suiveuse.
« Et toi, t’es quoi au juste ? »
Un peu prise de court, sa vis-à-vis lui répondit :
« Mercenaire. Indépendante.
- Hmmm. Ton nom ?
- Carmela.
- Hmmm. »
Camille reprit son chemin sans rien ajouter. Bon, d’accord, son histoire de tatouage instable tenait la route : les élégantes lignes de tout à l’heure avaient déjà laissé place à de gros rubans noir et sang qui s’entre-dévoraient impitoyablement. Ceci étant, elle ne pouvait exclure l’hypothèse selon laquelle elle cherchait des noises à cette bonne poire de Kar’Ak.
Dans tous les cas, elle avait intérêt à lui coller au train : si elle tentait quelque chose de douteux, elle serait là pour lui en couper l’envie.
Elles progressèrent encore un moment, croisant de temps à autre un visiteur plus ou moins humain généralement absorbé dans la lecture d’un tome. Plus elles avançaient, cependant, et plus ceux-ci se faisaient rares.
Après une nouvelle série de virages complexe dans des allées dont on ne voyait pas le bout et entre des bibliothèques dont on ne distinguait pas le sommet, elles se retrouvèrent complètement seules.
« Y'a vraiment pas un chat, dans cette section… fit remarquer « Carmela ».
- C'est les livres comptables de chais plus trop quel monastère de chais plus trop quelle dimension sur cinquante générations, alors tout le monde s'en fout. Kar' voulait être au calme, c'est pour ça qu'il a installé son atelier ici. Tiens regarde, on y est. »
En effet, une porte ouvragée en bois massif était enchâssée dans le mur face à elles. En s’approchant un peu, les quelques mots suivant, gravés et remplis d’une encre émeraude scintillante, devinrent lisibles :
Kar’Ak
Tattoo artist
Juste en-dessous pendait à un clou doré une pancarte annonçant joyeusement « Ouvert ». Mais, alors que la tatouée posait sa main sur la poignée, un grincement inquiétant se fit entendre, comme si une masse énorme pesait de tout son poids contre le vantail de l’autre côté.
« Heu… C’est normal, ça ? s’enquit-elle en lançant un regard inquiet à sa guide.
- Ben… C’est pas évident de définir une normalité dans la Bibliothèque, mais… Ça me paraît pas hyper rassurant.
- Écarte-toi de la porte », intima alors la visiteuse en dégainant son arme de poing, ses réflexes professionnels reprenant le dessus.
Camille s’exécuta et alla se plaquer contre le mur, à droite de l’ouverture, tandis que la mercenaire faisait de même de l’autre côté. La Main se saisit discrètement de son carnet et de sa plume, prête à exploiter ses talents si la situation l’exigeait. La combattante tendit alors le bras vers la poignée et, tandis que les grincements, frottements et craquements se faisaient de plus en plus audibles, la tension devint telle qu’il leur parût que la scène se déroulait au ralenti.
Quand la porte s’ouvrit enfin, un torrent de liquide multicolore et un peu visqueux se déversa subitement, éclaboussant sans pitié les chaussures des deux jeunes femmes, le bas des étagères et les précieux ouvrages qu’elles contenaient. Toute ubuesque qu’elle fut, la scène ne manquait pas d’un certain cachet artistique. L’encre (car de toute évidence c’en était) arborait des teintes changeantes, presque hypnotisantes : juste à leurs pieds, des paillettes de mauve se lançaient à l’assaut d’un bleu roi mat, des stries orangées étalaient leurs nuances sur un fond jaune pétant un peu plus loin, et plus loin encore de grandes tâches aux reflets de flaque d’essence tourbillonnaient joyeusement dans une mare d’un noir sidéral.
Les deux femmes fixèrent un instant le sol avec des yeux ronds, puis leurs regards se croisèrent. La mercenaire se décida alors à jeter un œil à l’intérieur de la pièce qu’elle venait de dévoiler.
« Alors, qu’est-ce que… » commença la thaumaturge.
Elle n’eut pas le loisir d’achever sa phrase : son interlocutrice la saisit par le col et l’entraîna sans ménagement dans l’allée qu’elles venaient d’emprunter, leurs pas projetant de grandes éclaboussures colorées au passage. Se contorsionnant péniblement sans ralentir, Camille s’échina à jeter un coup d’œil par-dessus son épaule.
Une forme vaguement humanoïde se dessinait à présent dans l’encadrement de la porte. Très vaguement humanoïde : on remarquait bien deux longs bras, deux espèces de jambes et une boule perchée au sommet qui devait être une tête, mais c’étaient bien les seuls traits humains qu’on pouvait lui attribuer. Non pas qu’on pouvait affirmer catégoriquement qu’elle n’en avait pas, des traits humains, mais il aurait été impossible de les distinguer sous l’épaisse couche de peinture polychrome qui glougloutait à la surface.
Alors que Camille cherchait dans sa mémoire abreuvée d’ouvrages encyclopédiques la trace d’une créature de ce genre, un premier tentacule rouge et gris surgit de son torse, bientôt suivi d’un autre, marron celui-là, puis d’un autre, d’une très jolie couleur prune. Chacun d’entre eux entreprit de broyer, dans un absolu chaos, un maximum des étagères qui les entouraient. L’un d’entre eux fouetta l’air à quelques centimètres de son dos, manquant de lui arracher la tête au passage.
Quand elles arrivèrent au bout de l’allée, elles se plaquèrent chacune contre une bibliothèque, le souffle court. La bestiole n’avait progressé que de quelques pas, ses membres ne semblaient plus en mesure de les atteindre. Pour l’heure, elle collectait consciencieusement divers ouvrages qu’elle couvrait inlassablement de symboles, mais elle approchait toujours.
« Bordel, c’est quoi ce machin ? » lâcha la mercenaire en contrôlant le chargeur de son arme.
La thaumaturge aiguisa ses sens particuliers, trempant un doigt immatériel dans la dense couche de magie qui enveloppait leur agresseur.
« Aucune idée, mais on dirait… On dirait que c’est creux !
- Que c’est… creux ? Attends, quoi ?
- Ce truc doit être couvert de l’encre cabalistique de Kar’, ça dégueule la puissance occulte. Mais je la sens pas à l’intérieur. Il doit y avoir quelqu’un ou quelque chose dedans !
- Super, donc ça veut dire qu’on peut l’arrêter, pas vrai ?
- Je sais pas, peut-être… Mais c’est sûrement Kar’ à l'intérieur, on risque de le…
- Écoute : entre lui et nous, je choisis nous », grogna l’hispanique.
Pourtant, ce sont les jambes qu’elle visa après être surgie de sa cachette. Les balles pénétrèrent dans la masse liquide avec de ridicules petits « floc », sans avoir plus d’effet que des gouttes de pluie crevant la surface d’un lac. Agacée par cette agression, la créature lança deux nouveaux appendices à l’assaut, la forçant à se remettre à couvert. Les tirs suivant n’eurent pas plus d’impact.
« Bordel de merde, rien à faire ! cracha Carmela en rechargeant rageusement son semi-automatique. On devrait peut-être juste se tirer et laisser les Bibliothécaires faire le boulot.
- Si les Guides mettent la main sur Kar’, ils ne se poseront pas de questions, répliqua amèrement Camille. Il a menacé la Bibliothèque : ils en feront l’un des leurs. »
Voyant qu’elle hésitait encore, jetant des regards inquiets vers la menace qui approchait lentement mais sûrement, elle enfonça le clou :
« C’est lui qui t’a fait ton tatouage, non ? Alors tu sais que Karim mérite pas ça ! On doit l’aider avant qu’il soit trop tard !
- D’accord, d’accord ! abdiqua la mercenaire avec un geste de la main. T’as une idée, au moins ? »
Une ébauche de plan commençait en fait à voir le jour dans l’esprit de la thaumaturge, mais ça n’allait pas être du gâteau.
« Je crois que j’ai quelque chose, mais il va falloir que tu me gagnes du temps. Pas mal de temps, en fait. Ah, et je vais avoir besoin d’un de tes couteaux pour l’immobiliser.
- Un de mes couteaux ? Vaudrait pas mieux une balle ?
- J’ai besoin d’un minimum de surface pour tracer mes glyphes ! s’impatienta Camille. Alors, tu peux le faire ou pas ?
- Joder ! Je peux toujours essayer. Mais s’il m’arrive des bricoles, chica, tu peux être sûre que je reviendrai te hanter. »
Sur ces mots, elle surgit de sa cachette et lança un tonitruant « Hé, puta madre, viens gribouiller par ici ! », avant de partir au galop dans une allée latérale. Par chance, le monstre chamarré mordit à l’hameçon et se lança à sa poursuite.
Camille se mit alors fébrilement à l’ouvrage. Par chance, l’encre ne manquait pas dans les parages et elle put tracer un large cercle bordé de runes sans avoir à se rationner. Le plus complexe était encore de trouver quels symboles employer pour obtenir l’effet voulu, mais après quelques minutes de travail intense elle put s’estimer à peu près satisfaite de son ouvrage.
Autour d’elle, dans les travées désertes, résonnaient à intervalles réguliers des coups de feu, des jurons en français et en espagnol et les plaintes du bois pulvérisé. Au moins, sa comparse paraissait encore d’attaque.
Elle se pencha ensuite sur le couteau, une lame joliment ouvragée et parfaitement équilibrée sur laquelle elle s’efforça de faire tenir tous les glyphes nécessaires. Une fois convaincue qu’elle ne produirait pas mieux dans un délai raisonnable, elle hurla à plein poumons :
« CARMELA ! SI T’ES ENCORE EN VIE, AMÈNE-LE OÙ ON S’EST SÉPARÉES ! »
Il y eut ensuite quelques minutes de flottement, à peine troublé par des bruits de plus en plus proche de cavalcade et une nouvelle bordée de jurons. Puis la fuyarde surgit d’entre deux bibliothèques, le pas claudiquant, suivie de près par un avide bras de peinture.
Camille lui fit de grands signes pour lui indiquer la direction à prendre. La mercenaire fonça vers elle aussi vite qu’elle le put : elle lui tomba presque dans les bras en la rejoignant. La bête colorée suivait, tranquillement mais inéxorablement.
« Carmela, il faut que tu lui lances ça dans les jambes au moment où il passera dans le cercle ! pressa la Main en lui tendant sa lame. Tu t’en sens capable ?
- Je sais faire que ça », grogna l’hispanique en s’en emparant.
Elle se retourna, arma son bras et se tint prête, retrouvant peu à peu une respiration posée. Inconscient du danger, leur adversaire continua impassiblement son bonhomme de chemin. Encore un peu et il serait à portée pour les menacer de ses bras visqueux.
Quand il se retrouva au beau milieu du cercle, elle lança avec une précision diabolique le couteau qui alla se planter en plein dans le genou droit de la créature. Ou en tout cas dans ce qui devait lui tenir lieu de genou droit. Plus ou moins.
Aussitôt, Camille se mit au travail. En premier lieu, elle dut activer les glyphes marquant l’arme, les utilisant comme points d’ancrage pour effilocher le tissu de la réalité tout autour. Le résultat fut saisissant : une décharge électrique bleutée explosa avec une force impressionnante, s’insinuant sans pitié au plus profond de la couche d’encre ésotérique tout en réagissant avec elle. Le monstre n’eut d’autre choix que de ployer, s’immobilisant au beau milieu du pentacle.
Camille en déclencha alors les runes, canalisant difficilement l’énergie considérable nécessaire. Un portail se matérialisa subitement juste au-dessus de sa cible, et un phénoménal torrent d’eau s’en déversa. Le débit en était tel que la créature fut plaquée au sol et il devint complètement impossible de distinguer ce qu’il lui arrivait. Ne restait donc plus qu’à croiser les doigts.
La thaumaturge ne put maintenir le flux que quelques dizaines de secondes : l’énergie que cela réclamait était considérable et si tout se passait comme elle l’espérait, elle risquait de blesser Kar’Ak en l’écrasant trop longtemps. Alors elle relâcha la pression et, hors d’haleine, regarda les derniers litres d’eau s’écraser violemment au sol.
Sur le parquet détrempé subsistaient ses glyphes mais aussi et surtout Karim, encore maculé de traces bigarrées mais débarrassé de son enveloppe mortifère. La jeune femme se lança à sa rescousse, identifiant sans mal la principale menace qui pesait sur sa vie grâce à sa perception instinctive des forces ésotériques : les poumons du tatoueur étaient gorgés du liquide qui l’avait recouvert. Fort heureusement pour eux deux, la nature même de l’encre la rendait facilement manipulable pour une personne dotée de ses talents, et elle parvint à lui faire recracher l’essentiel. Le jeune arabe régurgita le corps étranger avec des gargouillis peu ragoûtants, puis s’effondra sur le côté, prostré, épuisé, éperdu, mais bien vivant.
« Essayé une nouvelle formule… Attiré dans la cuve… parvint-il péniblement à articuler.
- Kar’, espèce d’enfoiré, tu nous as fait une putain de trouille ! Pas vrai Carmela ?
- Ouais, comme tu dis… »
Camille se retourna précipitamment. La voix de son alliée de circonstances n’était pas naturelle.
Et pour cause : appuyée contre une étagère, la main serrée contre son flanc droit, elle s’exprimait les dents serrées, le souffle court.
« Merde, mais t’as été touchée !
- Bingo. Quand ce salopard me courrait après. Coup de tentacule.
- Fais voir, vite ! »
La blessure n’était pas belle à voir : l’extrémité droite du ventre avait été transpercée. Pas profondément et aucun organe ne semblait avoir été touché, mais du sang s’en écoulait en continu. Si la mercenaire ne voyait pas un docteur rapidement, il n’était pas impossible qu’elle passe l’arme à gauche. Mais où trouver un médecin à temps dans ce dédale infini qu’était la Bibliothèque ?
« C’est pas si grave, c’est vraiment pas profond, tenta de la rassurer l’éclopée. Un coup d’aiguille et on n’en parlera plus.
- Faut qu’on arrête l’hémorragie, affirma la Main en l’ignorant. Enfin, si c’est une hémorragie. On peut pas prendre le risque. »
Seulement voilà, comment ? Employer la thaumaturgie pour soigner autrui était un exercice incroyablement délicat : la chair et le sang ne se laissaient pas facilement dompter, et la moindre erreur de manipulation pouvait avoir des conséquences catastrophiques.
À bien y réfléchir, cependant, il y avait quelque chose qu’elle pouvait faire.
« Je peux utiliser l’encre pour combler le trou, annonça-t-elle. Comme un pansement.
- Tu veux dire l’encre qui a englouti ce pauvre Karim et l’a transformé en machine à détruire incontrôlable ? ironisa Carmela, un sourire crispé aux lèvres. Je préférais ton plan de tout à l’heure.
- Je devrais pouvoir maîtriser une quantité minime sans problème. Laisse-moi une minute. »
Elle s’empressa de réunir la quantité requise de fluide coloré dans le creux de ses mains, puis fit quelques tests pour s’assurer qu’elle pouvait le contrôler sans difficulté. Ce fut le cas.
« Je vais avoir besoin de ton nom, ou au moins de ton prénom, expliqua-t-elle alors à sa patiente. Le nom détient un pouvoir énorme dans la pratique de la thaumaturgie : ça me permettra de stopper les saignements au plus près sans risquer de faire du dégât à ton corps.
- Je te l’ai déjà donné, mon prénom, hermana.
- « Carmela », c’est pas ton vrai prénom. Je l’ai senti dès le départ. »
La combattante laissa échapper un soupir.
« ‘Chier, putain. Olympe. Je m’appelle Olympe.
- Enchantée, Olympe, annonça Camille en versant un peu d’encre sur la plaie, s’attelant à sa difficile tâche. T’as un joli prénom. »
Pour la première fois depuis leur rencontre, elle souriait.
« Toi, tu m’as même pas dit comment tu t’appelais, contre-attaqua la fameuse Olympe en grimaçant, tandis que le liquide colmatait les quelques veines touchées.
- Une thaumaturge digne de ce nom te révélera jamais son nom comme ça, grosse maline. Mais tu peux m’appeler Seyph.
- Seyph, hein ? Pas mal non plus dans son genre, j’imagine. Enchantée, Seyph. »
Elle lui tendit alors la main, que la jeune femme serra.
Puis elle reposa sa tête contre le meuble derrière elle et lâcha, déjà un peu soulagée :
« Joder de mierda, j’espère que ça sera pas un bordel pareil la prochaine fois que je viendrai rafraîchir mon tatouage. »