« La beauté n'est ce qu'elle l'est, que parce qu'elle est éphémère »
Cela fait longtemps que je n'avais pas gribouillé quelques mots sur un bout de papier. Cette sensation que j'avais oublié, celle de pouvoir s'exprimer. Malgré le fait que je puisse écrire mes volontés, ou juste mes derniers ressentis, je ne sais même pas si ces quelques mots atteindront quelqu'un. Chaque fois que les hommes vêtus noirs faisaient parvenir une plume et des feuilles avant d'emmener les détenus, nous ne les voyons plus jamais. Avec le temps, nous avions compris cette sorte de formalité. Celle qui nous redonnait quelques onces de liberté, une lueur d'espoir nous faisant croire que nous pourrions atteindre le monde extérieur dans notre dernier souffle. Mes "collègues" semblaient tous croire à ces supercheries.
Mon tour était venue. Mon numéro parvenait rapidement dans mes deux oreilles attentives, tandis qu'on me faisait transférer le morceau de papier. Un simple merci s'échappa faiblement de mes lèvres en attrapant le feuille blanche. Cette teinte neutre, contenant toutes les couleurs, représentant la pureté et le renouveau pour une majorité de personnes. Pour nous, ce n'était rien d'autre que la couleur de la peinture des murs qui nous retenaient ici-bas. Elle nous rendait malade, elle avait perdu de sa pureté. Je devais désormais faire un choix, je n'avais pas fait cela depuis des lustres. J'étais assis, depuis quelques minutes maintenant. Observant ma feuille, encre dans ma main droite. Pourquoi n'ai-je rien me passant par la cervelle ? Moi qui suis habituellement hanté par des pensées inutiles, des idées farfelues, des paroles ne demandant qu'à être prononcées. Cette feuille blanche épurait ce que j'ai dans le crâne, mes derniers mots se mélangeaient rapidement, cassant mes idées, s'empilant avec d'autres.
"Putain de merde."
Rien ne venait à moi. J'étais aussi vide que cette feuille, qui petit à petit, devenait majestueuse. Elle me ressemble, disais-je à moi-même. Elle nous ressemble. Pourquoi nous ? Dès lors où nous avons traversé cette porte blindée, nous perdions notre identité, pour finalement devenir des numéros. Nous n'étions plus que des coquilles vides, au profit de la science et de cette "organisation". Cette même organisation, voulant protéger les vies humaines, en utilisant d'autres vies. La vie humaine est précieuse, disait-il. Rien n'est plus beau que ça, rétorquait l'autre. La contradiction était sûrement ce que je percevais tous les jours. Aujourd'hui, je vais être libéré de toutes ces morales inexistantes, de tout ces tests, ces ordres. C'est assez ironique, comme dernière volonté. Pour une fois, je voulais que le temps aille plus vite.
Les pas lourds des hommes vêtus de noirs pouvaient déjà parvenir dans l'enceinte de ma ridicule chambre blanche. Ce soir, elle sera vide. J'arrive à sourire dans ma situation, je ne sais pas si c'est un bon signe. Cette chambre, qui me dégoûtait auparavant, me paraît beaucoup plus douce et accueillante. Cette couleur blanche sur les murs, irritant préalablement mes globes oculaires, me convenait désormais. La porte blindée coulissa, laissant passer les filaments de lumières provenant du couloir, afin de finalement observer ces hommes noirs. Un simple geste compréhensible, voulant simplement dire que je devais les suivre. Enfin, disais-je dans ma barbe. Enfin.
« C'est en salissant cette feuille blanche, que je vous faire parvenir mes derniers mots. Allez vous faire foutre, Fondation. »